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Sgt. Mark Gallgher Vocational School

Pas un acte de Dieu, mais l’inaction de l’homme. Dans son deuxième rapport d’une série de trois, Richard Blaquiere, enseignant à l’école secondaire et membre fondateur de la Coalition de bienfaisance de Woodstock, déclare que rien ne peut vous préparer pour Haïti. La Coalition planifie de construire l’École de formation professionnelle en mémoire du Sgt Mark Gallagher.

Dans mon rapport de la semaine dernière, j’ai partagé mon histoire et celle de mon partenaire de voyage, Brent Shaw, lorsqu’on a rencontré un ange de miséricorde réel.

Vanessa Carpenter de Salem, Virginie, revenait à Haïti pour rendre à leur famille deux enfants à la suite de traitements médicaux que les petits avaient dû recevoir aux États-Unis pour soigner les blessures qui avaient mis leur vie en danger.

Vanessa, ou Mama V telle que l’appellent les agents de bord et les autres au sol aussi, a fondé l’Orphelinat des Trois Anges, l’institution de Port-au-Prince où la famille Gray de Northampton a adopté ses enfants haïtiens, Djoulie et Darwig.

Le rapport de cette semaine continue à partir d’où j’ai laissé la semaine dernière, dans les airs approchant l’aéroport de Port-au-Prince, où Atillis et Sylvian devaient retrouver leur famille.

Alors que nous amorcions notre descente, avec Atillis quelque peu réveillé dans mes bras, Brent et moi avons commencé à ressentir nos premières impressions du pays tellement ravagé par les forces de la nature récemment.

Nous avons tous les deux exprimé notre surprise en voyant à quel point Haïti est montagneux. En fait, les trois quarts du pays sont à 200 mètres d’altitude et le mot Haïti lui-même veut dire « montagnes ».

L’atterrissage s’est fait en douceur et on nous a rapidement transportés pour ce qui passe actuellement pour le terminal d’arrivées de l’aéroport Toussaint L’Ouverture. En fait, il s’agit d’un hangar aménagé où règnent le bruit et une cacophonie de langages, d’odeurs, de sourires et de larmes.

Mama V a commencé à ressentir le mal de l’air environ 30 minutes avant l’atterrissage. Ainsi lorsqu’on a descendu de l’avion, Brent a pris son sac de voyage en gardant un œil sur Sylvian et je me suis occupé d’Atillis.

Aussitôt entrés dans le « terminal », un Haïtien est venu à la rencontre de Vanessa et il nous a guidés dans la ligne de gens, passant devant d’autres passagers. Deux autres hommes ont pris nos étiquettes de bagages, et ont fouillé dans une montagne de bagages au milieu du plancher pour trouver nos affaires.

Les gens connaissent Mama V!

L’assistante de Vanessa, une infirmière américaine, jeune et attrayante, nommée Kez, nous a trouvés et, après avoir serré Vanessa dans ses bras et l’avoir informée que les familles respectives d’Atillis et de Sylvian attendaient dehors, excitées, elle a tendu les bras à Atillis maintenant complètement réveillé.

Je l’ai embrassé et l’ai passé à Vanessa. Il était maintenant un pas plus près de maman et de papa.

Les rencontres avec la chance ne sont pas assez fréquentes pour créer des mythes à leur sujet à chaque fois qu’elles arrivent. Nous faisons tous de ces rencontres si nous voyageons un peu. Ainsi va la vie ! Mais certaines de ces rencontres semblent dépasser les limites de la coïncidence et prennent parfois un sens beaucoup plus profond.

Pour une personne qui a souvent des doutes concernant sa foi et qui ne prétend pas savoir ce que Dieu s’attend de lui ni à quoi il peut s’attendre de Dieu autre qu’un amour inconditionnel, je blâme rarement Dieu ni ne le remercie pour les actions des hommes et de la nature. Ainsi va la vie !

Cette rencontre m’a interpellé, toutefois, et j’ai choisi de croire que de rencontrer Vanessa d’une telle manière était un signe que le travail que notre Comité du comté de Carleton était sur le point d’aborder était l’expression de Dieu et le prolongement de son amour pour tous ceux qui souffrent.

À un niveau personnel, ces paroles du Nouveau Testament deviennent importantes pour moi : « J’avais mis en l’Éternel mon espérance; et il s’est incliné vers moi, il a écouté mes cris. » (Psaumes 40, 2). Plutôt égoïste, quand on y pense.

Comme nous sortions de l’aéroport, la première personne que nous avons vue était notre partenaire de l’AQANU, Reg Sorel, qui pointait sa caméra directement sur nous. Pas très loin derrière lui se tenait une sœur vêtue de bleu, une des Petites Sœurs de Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus, ces sœurs qui devaient nous accueillir et être nos guides pour la fin de semaine.

La chaleur et l’humidité étaient suffocantes. Reg et sœur Gisèle nous ont ensuite présenté notre chauffeur, un Haïtien qui travaillait pour l’AQANU sur un programme de gestion des terres dans la campagne aux alentours de Rivière Froide.

En marchant vers le camion, de nombreux hommes et enfants nous ont encerclés pour nous offrir de transporter nos bagages. On nous avait dit de repousser leurs insistances et Reg et sœur Gisèle ont été plutôt brusques en leur disant de nous laisser, pas impoli mais assez directs. Nous avons suivi leur exemple.

Immédiatement après avoir contourné la clôture qui protégeait les gens qui attendaient en ligne à l’aéroport, nous nous sommes rendu compte des effets du tremblement de terre.

Il y avait toujours des amas de débris le long de la rue, plutôt petits étant donné la proximité de l’aéroport. Les bâtisses visibles de l’aéroport semblaient avoir été écrasées comme des gaufres à un point tel que la dévastation est devenue de plus en plus indécente du moment où nous avons grimpé dans le camion et commencé notre voyage vers Port-au-Prince et notre gîte pour la fin de semaine, Rivière Froide.

Rien ne peut vous préparer à l’expérience d’être à Haïti. Ceci est vrai pour ceux qui ont visité le pays avant le tremblement de terre et encore plus pour ceux qui l’ont visité après. Ce tremblement de terre a été la cause de la perte de 300 000 vies humaines emportées par les actions de la nature et par l’inaction et la négligence d’autres humains.

Le tremblement de terre a peut-être été défini de façon inappropriée comme étant un acte de Dieu, mais l’étendue de la dévastation n’a pas été causée par un acte de Dieu. C’est plutôt les inactions des hommes qui ont failli à la tâche de construire Haïti avec du respect pour la population et une saine crainte des forces de la nature.

Depuis le 12 janvier, des tremblements de terre ont secoué le Chili et le Mexique, mais aucun d’eux n’a apporté autant de dévastation que celui qui a frappé le peuple d’Haïti.

Nous avons passé près de villages de tentes inhabités, des dizaines de milliers de personnes déplacées étant parties pleurer des amis et des membres de leur famille perdus dans le tremblement de terre.

Tout le monde, incluant les soeurs, souffraient de troubles de stress post-traumatiques. Il n’y avait pas d’électricité, pas d’eau courante et pas de cueillette de déchets. Il n’y avait pas de service d’ambulance non plus. La police, avec l’aide de l’ONU, avait commencé à réinstaurer un certain sens de l’ordre à la ville pendant le jour. Mais leur tâche était accablante et les gens ne suggéraient même pas de s’aventurer sur les rues menaçantes la nuit.

On voyait des gardes armés partout. La nourriture était distribuée à des centres ici et là dans la ville et on nous a dit que certaines files pouvaient compter jusqu’à 30 000 personnes qui attendaient patiemment, parfois toute la nuit, pour la nourriture nécessaire à leur survie.

Pour que les Haïtiens ne deviennent pas trop dépendants de l’aide étrangère, le gouvernement central a demandé à ce que la distribution gratuite de nourriture cesse. Ceci s’avèrera sans doute une sentence de mort pour des dizaines de milliers d’innocents qui n’ont ni maison, ni adresse, ni travail, rien !

Le chemin principal en partant de l’aéroport était assez bien dégagé, mais c’est lorsque nous avons pris une route secondaire vers Rivière Froide que nous sommes devenus témoins d’une pauvreté et d’une misère tellement intenses et envahissantes qu’on en a eu le souffle coupé.

Il y avait une odeur, mélange de nourriture, de déchets, de fumée et de corps qui se décomposaient dans les décombres. Les rues de côté étaient à peine carrossables. Ces rues ne devaient pas être très larges avant le 12 janvier, mais maintenant, des dizaines de milliers de personnes avec leurs chèvres, leurs porcs, leurs coqs et leurs poulets vivaient littéralement sur la rue ou tout près.

Toutefois, la vie et le besoin de la soutenir se faisaient sentir partout. Des milliers de personnes étaient alignées le long des routes tentant de vendre des noix de coco, des mangues, des bananes et même du Coca-Cola. Certaines bâtisses qui ne s’étaient pas écroulées étaient grandement inhabitables et celles déclarées sécuritaires étaient vides parce que les gens étaient terrifiés à l’idée de ce qui pourrait encore y arriver.

Notre chauffeur aurait pu entraîner des concurrents pour un concours de carambolage. Il n’y avait qu’une seule direction, en avant, et deux vitesses, vite et plus vite. Les panneaux d’arrêt ne servaient plus à arrêter mais indiquaient plutôt quand il fallait klaxonner à titre d’avertissement pour les piétons et les véhicules qui s’approchaient aux coins des rues vers lesquelles nous nous dirigions rapidement.

Comprendre le droit de passage était simple. Celui ou celle qui arrive à un endroit en premier et qui ne semble pas avoir l’intention de ralentir ou d’arrêter est propriétaire du lieu. Pensez à une partie de poule mouillée avec des autos, des piétons et du bétail, tous ayant connaissance de cette unique règle qui consiste dans le fait qu’il n’y a pas de règle.

En chemin vers notre destination, nous étions tous trop concentrés sur les images qui se déroulaient devant nous pour avoir peur. Je ne peux pas en dire autant pour le chemin du retour. Ces souvenirs sont ceux de notre voyage jusqu’au site de l’École de formation professionnelle en mémoire du Sgt Mark Gallagher et de notre retour tôt le lundi matin suivant.

Sœur Gisèle, toute tranquille au début, demanda au chauffeur de nous faire faire une tournée de quelques endroits les plus dévastés de Port-au-Prince et des points d’intérêt qui permettaient de définir la ville.

Notre premier arrêt fut à une enceinte composée d’une église et d’un séminaire où, seulement quelques mois auparavant, l’éducation de jeunes prêtres, l’entraide auprès des pauvres et la célébration de la messe étaient à l’ordre du jour. Les bâtisses étaient encore debout, mais le toit s’était effondré sur l’église et l’échelle de secours sur le côté du séminaire pendait précairement démontrant que la bâtisse avait été ébranlé sérieusement tout en restant verticale en majorité.

Plusieurs autres structures du coin n’avaient pas eu cette chance.

Nous nous sommes alors rendus au palais présidentiel, auparavant source de fierté pour le peuple d’Haïti et maintenant destiné à être démoli. Il fut construit entre 1914 et 1921 et était une œuvre d’une grande beauté architecturale. Debout à l’extérieur de la clôture qui en faisait le tour, face à un autre village d’innombrables tentes, nous regardions les gens fourmiller sur les rues et les trottoirs.

Pour le peuple haïtien, perdre le palais était l’équivalent de voir nos édifices du Parlement détruits ou la Maison Blanche pour les Américains. Vraiment trop triste.

Nous sommes remontés dans le camion et nous sommes dirigés vers les montagnes et Rivière Froide. Nous voyions sans cesse cette destruction et aucune décongestion dans les rues, aucun jardin, même aucune fenêtre. Il y avait juste des gens qui faisaient de leur mieux pour survivre au milieu de tant de mort et de dévastation.

Partout, on pouvait trouver la preuve de la foi profonde des Haïtiens. 80 pourcent d’entre eux sont catholiques et les autres 20 pourcent divisés entre des baptistes, des pentecôtistes, plusieurs confessions protestantes, quelques Juifs et autres.

J’avais entendu dire que le vaudou était très répandu, mais je n’en ai vu aucune manifestation. Une personne m’a dit que ce culte était présent en nombres significatifs, mais si je cherchais des poupées vaudous ou autres représentations hollywoodiennes de cette ancienne religion africaine, je serais désappointé. Il m’a expliqué que le vaudou avait été intégré aux religions dominantes (selon nos standards) de la même façon que les Premières nations du Canada avaient joint leurs pratiques religieuses traditionnelles aux croyances occidentales.

Nous avons bien eu quelques petits rires en passant devant la quincaillerie Miséricorde de Jésus et le point de vente de billets de loterie Merci mon Dieu. Les autobus et les camions multicolores qui servaient au transport public étaient couverts de mots et de supplications religieuses. Dieu vous aime et Dieu est bon formaient le thème central de la foi publique du peuple haïtiens.

Avec toute l’aide qu’il reçoit, Haïti se relèvera et peut-être plus fort qu’avant. Mais il y a beaucoup de chemin à parcourir et nous devons commencer quelque part, et nous devons commencer immédiatement. Aidez-nous à construire l’École de formation professionnelle en mémoire du Sgt Mark Gallagher à Rivière Froide. Organisez une collecte de fonds au bureau, à l’école, à la maison, à votre église ou même votre club de livres.

Le Comté de Carleton est profondément concerné par Haïti. Ecrivez-moi à l’adresse suivante : Richard.Blaquiere@NBEd.NB.ca ou appelez-moi avant 20h au 506 328 4868. J’y suis la plupart du temps en soirée. La semaine prochaine, vous pourrez lire le troisième et dernier rapport de mes souvenirs et réflexions sur notre voyage tornade à Haïti.

Pour lire la partie 3 >>